Le grand public ne fait pas toujours bien la différence entre la Citizen Band (CB) et le radioamateurisme, et c'est bien normal. S'il s'agit de deux manières de pratiquer les radio-communications, il s'agit souvent de la même communauté de passionnés. Et d'ailleurs, nombreux sont les radioamateurs qui ont débutés sur la Citizen-band.

Guide officiel des cibistes d'Etienne Lémery (1981)

J'ai, moi aussi, commencé à être actif sur les ondes en 1983, comme beaucoup via la Bande du Citoyen, alias Citizen Band (CB). Vous l’aurez compris, aujourd’hui, c’est séquence souvenirs… Je n’en retire, ni fierté excessive, ni honte déplacée: c’est juste mon parcours. Je n’avais alors même pas 15 ans, et avant même de posséder un émetteur, j’avais potassé le « Guide Officiel des Cibistes » d’Etienne Lémery, lecture de chevet dans lequel j’avais appris par coeur l’alphabet radio, le code Q version cibiste, le jargon, les bonnes pratiques, déjà réfléchi sur la meilleure position où installer une antenne sur une voiture, et … strictement rien compris à l’accord d’une antenne ! J’étais alors peut-être le seul cibiste qui ait du passer une sorte d’examen familial avant d’être livré à moi-même sur les ondes. Bon, rassurez-vous, l’accord d’une antenne et la manipulation d’un ROS-mètre deviendra plus clair, une fois que j’aurai pu toucher à mon premier matériel. La nouvelle norme CB venait de passer à 40 canaux AM-FM-BLU en 4W : un avant goût d’Amérique ! J’ai alors rencontré au cours de ces années, sur les ondes du 27 MHz, des profils multiples, des gens de tous bords, des techniciens, des anarchistes, des collégiens, des retraités, des personnalités attachantes (et d’autres moins…), à l’image de notre société. Il s’agissait finalement d’un des premiers réseaux sociaux, si l’on fait abstraction des discussions politiques de bar et des chansons scouts autour du feu. Le premier réseau social de masse, en tout cas.

Outre les stations locales, la bonne propagation de l’époque nous autorisait parfois des contacts plus longue distance, sur d’autres régions, voire d’autres pays. L’horizon s’élargissait alors considérablement. Dans ma chambre, une carte de France placardée au mur se voyait régulièrement épinglée des derniers contacts radio réalisés avec d’autres régions.

Vestige de cette époque, j’ai ressorti un petit carnet répertoire bleu à spirale, duquel j’ai exhumé une partie du contenu:

Pas véritablement un « Log », il contient cependant les indicatifs (« QRZ » disions-nous sur la CB, « pseudos » dirions-nous aujourd’hui sur un réseau social) des stations avec lesquelles je conversais localement sur la région où j’étais, à savoir : Rouen et sa banlieue, en Seine Maritime.

Je trouve qu’il y a comme une certaine poésie dans tous ces indicatifs dont certains rappelleront peut-être quelques souvenirs à ceux qui les ont connus. N’étant pas fixés par l’administration, il est amusant de noter que ces noms étaient souvent identiques sur d’autres régions: à travers la France, il a assurément existé des cohortes de « Bandits », « Nono » ou « Pollux », des camions entiers de « Scania » ou de pleines cartouches de « Marlboro ». D’autres en revanche, sont un peu plus plus recherchés…

Il en manque beaucoup, car je n’ai régulièrement tenu ce carnet à jour, qu’à mes débuts en 1983-1984, mais cela donne une idée de l’engouement pour la CB à cette époque en France.

Rien que dans ma petite rue de 150m de long, nous étions trois à y être actifs. Dans le quartier, disons dans un carré de 500m de côté, nous dépassions largement les 15 stations. Alors, vue la faible sélectivité des postes CB, ça se piétinait souvent, ça s’invectivait parfois, mais ça liait connaissance et faisait aussi les cons ensemble. Ca finissait même parfois par se marier !

Je n’ai pas reporté tous les ages qu’il contient, d’autant que je ne demandais pas leur C.V. à tous mes contacts, mais pour ceux que j’avais noté, sachez qu’ils vont de 9 à 67 ans.

J’ai aussi reporté depuis mon carnet magique certains liens familiaux que je connaissais, car la CB se pratiquait aussi très largement en famille, quelque soit l’age ou le sexe. Pouvoir se parler d’une maison à une autre, sans avoir à payer une communication à l’opérateur téléphonique unique, avait alors un je-ne-sais-quoi de « vent de liberté », même si ce qu’on avait à dire n’était, avouons-le, pas toujours passionnant !

Les français avaient enfin de droit de communiquer entre eux, librement.

Pour ceux qui aimeraient se replonger dans ce passé devenu lointain, ou juste découvrir ce phénomène de société qui a touché, dit-on, plus de deux millions d’utilisateurs en France, je vous invite à visualiser cette vidéo d’époque à tendance promotionnelle.

Place aux souvenirs, avec cette liste de noms, exhumée du passé de la Citizen Band sur Rouen et sa région :